Départ

Ça me fait un gros quelque chose de quitter le sol où tu poses ton pied, ce bout de créature si précieux que je serrais éperdument dans ma main, quand nos corps s’entrelaçaient.

Un désespoir sans fard

Quelle différence entre prendre une petite dose de poison tous les jours (je ne vous fais pas un dessin) et en finir une fois pour toutes ? La lâcheté. Considérant le but de l’entreprise, espérons que le résultat est le même.    

Lettre du territoire occupé

Avez-vous remarqué (quoique je doute de votre lucidité) ces voitures lancées à pleine vitesse, laissant échapper de leurs vitres grandes ouvertes des musiques syncopées et guerrières, et que les policiers feignent d’ignorer avec une notable application (qui ne peut venir que d’une inspiration d’en haut) ? Un bon conseil : tenez-vous scrupuleusement hors de leur … Continuer la lecture de Lettre du territoire occupé

Un paria des villes

Insensiblement, selon la pente d’une aggravation irréversible, il contracta une allergie sans appel aux simagrées comme aux ronds de jambes. Tandis qu’avec modestie il s’efforçait d’en supporter les conséquences au jour le jour, il devint l’objet d’une réprobation dont la dimension universelle ne pouvait se comparer qu’à la virulence de son allergie.

Un remède contre le béguin

Il eut un tout petit béguin (sans espoir de voir jamais dépassée l’illumination unique) qui ne répondit pas à sa faiblesse soudaine. Pragmatique en diable, il entama sans délai un traitement drastique : vessies de glace sur les articulations de l’âme, larges applications de crème de lucidité, hygiène des affects et des représentations. Il ne marcherait … Continuer la lecture de Un remède contre le béguin

Duplicité des idées

Mes idées m’appartiennent, j’y reconnais la trace de mes pas, nombre de mes pensées s’enracinant dans la marche ou la course. Mais aussi mes idées me menacent, redoutables entités adverses qui m’offrent si bien au monde que, pour un peu, je m’en irais en fumée ou en poussière.

Un professeur au Collège de France (candidat malheureux à l’Académie Française). Une exécration.

Il indique sans cesse qu’il fera ou dira, plus tard, ceci ou cela, comme le séducteur de barrière fait des promesses aux belles ou le marchand de lacets émet ses scrogneugneux. Il sautille de joie autour de sa propre image, empêtré dans une humilité qui n’est que de façade. À intervalles réguliers, il claque des … Continuer la lecture de Un professeur au Collège de France (candidat malheureux à l’Académie Française). Une exécration.