La demeure éloquente

Je vous épargnerai le logis comme seconde peau, comme reflet de l’âme…
En ce temps, je devais et le dois toujours, pour des raisons impérieuses, quitter la patrie que j’estime si peu, pour de longs séjours dans une contrée peu connue et, à tort, peu estimée. J’avais en ce temps, je l’ai toujours, un régisseur, homme de bien, de confiance qui veillait scrupuleusement sur mes pénates. D’ailleurs, pour l’anecdote, cet homme admirable de fidélité active, de dévouement, fut victime en mon absence, à l’époque, d’un curieux ensorcellement : dans ma pauvre mais somptueuse maison, les tableaux se décrochaient des murs, les verrous se brisaient soudain, le chauffe-eau rendait l’âme… Énigme jamais résolue mais il est patent, bien documenté, que la fidélité ne paie pas. Sans rapport avec ce qui précède, un jour, une bécasse fut introduite en contrebande dans mon appartement, par suite d’une incompréhension entre le gardien des lieux et moi sur les qualités requises pour avoir accès à mon intimité. La bécasse, disons la buse en question, la fois qu’elle me rencontra en compagnie du régisseur me fit compliment de ce qu’elle appela de façon quelque peu insultante ma « déco' » qui, insista-t-elle, lui avait tout de suite parlé. Je peux être gentil, je ne dis rien. Mais à l’intérieur de moi, j’entendis cette puissante exclamation : « J’ignorais que ma maison fût ventriloque ! »

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