Je lis ces jours-ci un livre copieux de philosophie dont je ne vous dirai ni le nom de l’auteur ni le titre. J’en fais (péniblement) mon miel parce que, étant grimpé assez haut dans le cocotier, mon bras est assez long pour cueillir quelques fruits. Ces gens écrivent pour une minuscule quantité d’alter ego qui les lisent le front barré d’une marque d’obligation, avec sur les lèvres un sourire d’indulgence corporatiste : ce qu’eux-mêmes écrivent sur le même sujet est tellement plus convaincant… Et si encore ils publiaient à compte d’auteur comme ce fut le cas, ou peu s’en faut, de Fourier, Marx, Joyce ou Kafka (et de quelques inconnus de la même farine) ! À de rares exceptions retentissantes qui sont avérées, ce que je décris ici est l’état rigoureux des publications en sciences dites humaines et sociales. Ces gens, il ne faut pas les déranger. Qu’ils goûtent les derniers jours heureux d’un État cynique qui paie rubis sur l’ongle leurs gentilles frasques pour ne pas les avoir sur le dos dans les manifestations de colère qui endeuillent notre supposée république.