Hier soir, dans mon quartier livré aux morpions, aux blattes de l’hédonisme de bas étage, à la terrasse d’un rital cupide et aux pâtes trop cuites, une scène d’enchantement, Tchekhov revenu… Trois jeunes filles à croquer (dans les deux sens du verbe) en compagnie de leur oncle, un boyard à l’ancienne portant catogan ; les deux plus grandes, des parangons de bonne éducation, d’intelligence précoce, semblaient méditer sur la caducité devant une assiette vide contenant des carapaces de crevettes débarrassées de leur chair ; à côté de son oncle, la plus jeune, véritable petit ludion mutin, n’en perdait pas une du trafic de la rue. J’ai salué, suis rentré chez moi avec une âme de dramaturge. Les parents, des bourgeois en vue, étaient, m’a-t-on dit, à un mariage (sans nul doute promis à une progéniture avantageuse). Ô Russie éternelle, reproduis-toi, encore et encore !
Qui fera l’éloge du canari, enfermé dans sa cage au fond de la mine, temoin de la cupidité des hommes et de l’ignitabilité de l’air et du temps?