S’il est une chose que je n’aime pas chez le Roumain, c’est son goût immodéré pour la bagnole et ce qui en découle : sa propension à se lancer à la moindre occasion, sur la moindre ligne droite d’une route de campagne, tel un boulet fulgurant, à plus de cent vingt à l’heure… Le nombre des morts en témoigne. Je précise illico que je n’ai pas le moindre respect pour le Français qui n’a rien à lui envier et beaucoup moins de circonstances atténuantes. Le communisme a tout réussi, il a fait des esclaves matériels – pénurie, surveillance, avanies innombrables -, il en a fait, par sa chute, autant d’esclaves spirituels : pour les rares nantis, voitures de luxe, putes de même dignité, voyages intercontinentaux sur catalogue. Tous les matins, en même temps que je pense avec joie, parfois avec tristesse, à des choses d’une autre importance, en dix kilomètres de marche rapide, j’enregistre la marque des tas de ferrailles à quatre roues que semble privilégier le nouveau citoyen dace libéré de l’infâme dictateur. Il n’y a pas à dire, il raffole des berlines allemandes, ce qui se comprend aisément de la part de vaillants soldats de l’armée de réserve du prolétariat teuton ou de sa classe moyenne. Une exception toutefois, le pauvre, qui est toujours selon mon cœur, et qui traîne son cul désargenté dans une Dacia hors d’âge ; de mieux lotis ont adopté les versions supérieures de la même firme devenue française. Mais ce qui m’occupe ici est le palmarès des cercueils roulants offerts par l’industrieuse Germanie. Je laisse de côté par convenance la marque à l’étoile cerclée, celle aux trois lettres surmontant quatre triangles alternés blancs et bleus ; le lauréat toutes catégories, dans le cœur des nouveaux tenants de la libre entreprise, c’est la firme aux quatre anneaux entrelacés, nommément, en latin : « Écoute ! « (Audi) C’en est presque obsédant, ils ont bien entendu : presque tous les culs qui rêvent d’ascension sociale sont posés là-dedans. Vous avez bien entendu, oserai-je leur dire, mais vous aviserez-vous que ce peut-être aussi un puissant ensemble vide… un quadruple zéro ! Celui de Panurge.