Une Française d’origine plutôt récente est mise ces temps-ci au pilori pour avoir annoncé avec désinvolture, sur son téléphone portable, le trépas d’une idole de la pensée-comme-il-faut, disparue à un âge enviable après un début d’existence vécu sous la plus infecte terreur. La dame du texto incriminé, une communicante abritée sous quelque plafond doré de la république, incarne en tous points, quelque immense ou indiscutable que soit sa capacité, ce que la racaille politicienne sait faire de la couleur de peau ou des utérus, à savoir des pancartes (des panneaux électoraux) pour la moins digne des propagandes. Mais comme l’époque ne sait plus juger sur pièces et accuse tous les chiens d’être enragés pour les noyer, on va, ici même, lui mettre son nez dans son caca. Que la dame communicante – autant dire une autiste – ait manqué de respect à l’image (digne des boutiquiers de la rue Saint-Sulpice) de l’icône défunte ne nous semble pas mériter autre chose qu’un discret coup de pied au cul de la part de son patron. « Yes, la meuf est dead . », tel est, si l’on peut dire, le texte du texto. Voilà, pour quelqu’un qui n’aurait pas perdu le sens commun, la faute irrémissible : cette dame qui appartient à la très haute bourgeoisie africaine (c’est-à-dire pas représentative pour un rond de l’Afrique sinon sous les espèces de la collaboration postcoloniale entachée de fric et de culture occidentale formellement progressiste), cette dame, par ce sous-texte, a craché à la gueule de l’anglais, de l’argot, et pissé sur la tombe du français. En utilisant yes et dead, elle s’égale gentiment à Keats en partant de Shakespeare mais sans se fatiguer ; en employant meuf, elle recourt à la part désormais la plus répandue de l’argot, le verlan, automatisme banal de l’inversion syllabique additionnée d’apocope. Pas un hasard si les petits caïds de banlieue ne connaissent que cette version-là, faute de temps (le trafic est prenant) pour faire l’apprentissage de la réelle créativité argotique, aujourd’hui tombée en désuétude. Quant à pisser sur les pierres tombales – même Sartre s’y est essayé – ce n’est de nulle importance : pour celui qui est dessous le mal est fait ! Madame, moi qui ai un respect bien supérieur au vôtre pour les damnés de la terre (que vous déshonorez un peu par assimilation hâtive), je pense qu’on n’a pas rendu justice à votre forfait : on devrait vous mettre en examen pour attentat contre la langue (peu importe laquelle). Et dans la langue de zombies de la télévision, je vous adresse un solennel : « Pas vous, pas ça ! »