Un sévère réarmement moral aux relents cocasses de prétention intellectuelle est en cours. Conduit par le Souverain – une chimère composée d’un Peter Pan très ambigu cachant mal un Père Fouettard aux bras de fillette, lequel est flanqué d’une ministricule, courtisane vulgaire et à peine alphabétisée, usurpatrice de la cause des femmes à la cour de l’enfant roi – il contraindra bientôt le bon peuple à ne dire et faire que ce qui est conforme au code de bonnes mœurs présidentiel. Mon père était bien plus proche, dans son hommage aux femmes, de Villon, Rabelais ou Montaigne que d’un quelconque péteux diplômé de la classe des loisirs qui se complaît aux subtilités de « genre » ; il offrait aux dames qui le charmaient des conversations, des attentions, des repas fins au restaurant, n’attendant rien d’autre que la joie du regard et de l’écoute. En un temps où la langue n’était pas aux mains de puritains incultes ou de contremaîtresses sans manières, l’auteur de mes jours me réjouissait, me réjouit encore par le souvenir, de sa vive et libre rhétorique où la femme et le chien se rendaient mutuellement le service de la mise en valeur. J’en veux pour preuve ses deux comparaisons idiomatiques les plus fameuses. Quand son cabot bien aimé, un jeune berger allemand, se roulait à terre, terminant ses figures en lançant ses quatre pattes vers le ciel, il s’écriait à notre intention : « Regardez ! Il joue les filles de Voreppe ! » Sans l’ombre d’une arrière-pensée malsaine, comme dans une chanson de Brassens, il participait gentiment au mythe des filles faciles de cette bourgade alors rurale, à deux pas d’une des trop nombreuses Silicon Valley à la française (!), où devaient vivre des Lisa ou des Lison dont la chair fraîche était pour la bouche du premier venu qui a les yeux tendres et les mains nues. Et si d’aventure, quelque jeune et fière poitrine se laissait deviner sous un corsage, lui qui n’avait rien d’un vulgaire mateur, il usait de cette image dont l’impeccable sobriété me convainc toujours, il disait : « Elle a deux petits seins qui jappent à la lune. »