En ces beaux jours mélangés de pluies d’orage, les Témoins de Jéhovah sillonnent le coteau radieux où crèchent les opulents. (Étrange terre de mission !) Cravates bariolées et eaux de toilette rivalisent d’élégance colorée et parfumée avec le lys martagon et les rosiers grimpants. Mais comment ces hérauts du Père Éternel ont-ils pu imaginer qu’il reste la moindre place vacante dans le panthéon des habitants de ce petit paradis à flanc de coteau ? Chez de si fervents serviteurs (et pleins de scrupules avec ça !) de Mammon, d’Éros et de Niké, pas une chapelle latérale, pas la moindre petite niche déserte pour accueillir une divinité supplémentaire. Vous les champions toutes catégories de la conversion, que ne redescendez-vous vers les quartiers ? Les pauvres sont pour vous pain béni, de la pure chair à bénédiction, quoique Dieu ne soit pas tout à fait pour les pauvres. Quant aux riches, je gage, je sais, qu’ils s’en tamponnent le coquillard.
Mon frère les appelle plaisamment les Témoins de Gévéor. Et je ne suis pas autrement étonné d’apprendre qu’ils s’aventurent dans les beaux quartiers, car leur raison d’être est moins de sauver des âmes et de faire sans discernement des prosélytes que de recruter les contributeurs les mieux lotis. On attend moins anxieusement le Royaume, proclament-ils implicitement, quand on est pleins aux as.