Ferry Un autre portrait d’après nature

À son sujet, il faudrait forger le concept de narcissisme de la glotte ; une voix caverneuse qui se rengorge de satisfaction, en état d’ébriété au vu de sa propre gloire. Avec ça, un sérieux de pape, une componction de prélat. C’est un loustic qui se savoure lui-même comme le dieu d’Eckhart, un pied dans le monde des imbéciles, du pouvoir (classification de Gobineau), un pied chez les drôles, ceux qui veulent être assis le plus confortablement possible avec les prébendes qui y sont attachées : les « ménages » de luxe à la télévision ou à la radio ; il nous recycle la mythologie, les institutions politiques, au moyen de sa science approximative qu’il assène de son culot sans borne. J’ai omis les conférences très bien payées au profit des habitants des beaux quartiers, d’Annecy et d’ailleurs, des résidences secondaires agrestes et de montagne, de préférence en Haute-Savoie. À tous ces gens, il augmente encore le capital symbolique c’est-à-dire culturel. Il faut lui reconnaître d’illustres devanciers  :  Héraclite qui, comme on sait, faisait bouillir sa marmite chez les ploutocrates, le Christ, précepteur auprès des marchands du temple, Saint Louis guérissant les écrouelles des analphabètes. Le lascar, ne manquant pas d’air, reproche à Spinoza d’avoir justifié Auschwitz : c’est dire la profondeur de son champ de vision, la robustesse de ses connaissances philosophiques. Il ne tarit pas d’éloges sur Kant, dont il prononce le nom d’un salonnard, emphatique et très germanique  : « Kaant » ! Balivernes. Lumières éteintes avant que d’être émises. Avec la loi morale dans le cœur de l’homme, la voûte étoilée au-dessus de sa chétive carcasse, ainsi que le résumait le géant allemand de la pensée, on ne va pas bien loin.
Plus c’est intelligent, plus c’est bête, fait remarquer l’excellent Witold Gombrowicz, un des dix meilleurs écrivains du honteux vingtième siècle.
Le prénom de notre importun philosophe d’opérette, ici habillé pour l’hiver le plus rigoureux, est la parfaite anagramme en sens inverse de… cul. En bon français populaire, le dictionnaire l’atteste, cul est un adjectif qui veut dire bête. Une autre façon de le dire.

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