Si je l’ai jamais eu, je n’ai plus le goût d’écrire. Les temps sont trop troublés. Quand chacun n’obéit que sous l’empire de la crainte, on doit dire que pas un n’est encore libre. Seuls subsistent ou, plutôt, croient subsister, ceux qui s’enveloppent par paires dans le cocon de leurs vastes demeures, se tendant l’un à l’autre le miroir indécent de leur bonne santé et l’image scandaleuse de futurs voyages lointains à seule fin de tremper un orteil dans l’eau tiède – imparable remède pour mieux traverser l’hiver…
D’une cité dont les sujets ne prennent pas les armes parce qu’ils sont terrorisés, il faut dire qu’elle est sans guerre plutôt qu’en paix. … En outre, une cité dont la paix dépend de l’inertie de ses sujets, conduits comme du bétail à n’apprendre qu’à être esclaves, peut être plus justement dite une solitude qu’une cité.
Spinoza Traité Politique Chapitre v 4.