Rétrospective
Tandis qu’il repensait à sa vie sentimentale, une phrase lui vint : « Je fus, tout du long, une sorte de poisson ivre dans un festin d’hameçons. »
modeste proposition pour venir à bout de l'ignorance
Tandis qu’il repensait à sa vie sentimentale, une phrase lui vint : « Je fus, tout du long, une sorte de poisson ivre dans un festin d’hameçons. »
On m’a dit d’un livre – parmi les moins négligeables du siècle – : « Mais n’a-t il pas un peu vieilli ? » Ma tentation irrésistible a été de jeter un œil à l’achevé d’imprimer de la première édition. « Si, ai-je répondu, il a un mois de moins que moi, il a vieilli d’au moins soixante ans. »
Dans mon souvenir dévorant comme une flamme, tes lèvres sont rouges comme cette rose solitaire qui fleurit après la débâcle des lys inclinés par brassées vers l’orient, aux marches descendantes de la chapelle de la Vierge Noire.
Je connais quelqu’un qu’on a pu, parfois, qualifier d’écorché vif. Or nous sommes, désormais quasi exclusivement et pour notre malheur, à l’ère du cinéma et de l’image. La vision d’une telle créature – que j’imagine (que je ne fais pas qu’imaginer) réduite au silence absolu mais encore faiblement gémissante et gigotante – m’est tout bonnement … Continuer la lecture de Un écorché (en souvenir de la nuit du 6 au 7 août 2010)
Les multiples scènes de nos sociétés sont désormais encombrées d’experts qui souvent cachent mal de touchantes vocations de sauveurs de l’humanité. Un généticien, un glaciologue (la liste menace d’être interminable), voudraient nous convaincre de sauver la planète, de mieux gouverner les collectivités humaines et adressent aux individus des conseils de bonne vie. Tout cela est … Continuer la lecture de La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu’on ne peut avoir que par une autre
ll voit le singe se gratter ; il goûte son agilité, sa drôlerie, mais ça ne le gratte pas. C’est un spectateur. Moi ça me gratte, je ne peux détacher mon regard de la peau du singe, de son être – et ne peux faire abstraction des spectateurs.
Le plus grand service que nous rend l’écrivain authentique consiste à mettre des mots sur nos pensées ; les psychologues – ces imposteurs – prétendent expliquer ce que nous pensons, en nous le faisant dire ! Les prêtres de jadis leur étaient bien supérieurs qui ne faisaient que nous écouter – avant de nous donner l’absolution.
Je crois que l’analyse probe et sincère d’un échec a bien plus de valeur que toutes les proclamations de réussites. – Voyez, aujourd’hui, le sport et la politique, ces deux chancres mous de nos sociétés. « Les théoriciens de leurs succès sont ennuyeux à mourir. Ils doivent démontrer que les succès sont justifiés. Or, rien ne … Continuer la lecture de Anticipation d’une fin
Il vous fait passer une convocation (à lui destinée et pour que vous le représentiez) comme on jette une épluchure à un animal peu regardant.
Le rastaquouère et le danseur de tango argentin ont suffisamment hanté le boulevard parisien et son imaginaire pour que nous accueillions avec enthousiasme un nouveau prodige d’Argentine (mais pas seulement, il gîte aussi au Brésil, au Chili, au Paraguay, en Uruguay – la folie des hommes est même allée jusqu’à déranger ses délicats exploits copulatoires … Continuer la lecture de Le canard argentin
Un homme seul qui déambule le long d’une rue vide, un dimanche après-midi, fait passer un frisson glacé dans mon dos – c’est qu’il me rappelle le fantôme dont j’occupe, sans espoir d’en sortir, l’ample défroque inhabitée avec, à son sommet arrondi, ces orbites vides qui ne laissent filtrer ni ne reçoivent aucun regard.
Un ami marocain m’a dit en me servant un thé à la menthe, et comme il posait la théière : « Je sais que vous êtes gauchiste ». C’était un étrange contre-sens et bien involontaire ; il voulait dire « gaucher ». Je le suis – et ne sais quelle signification accorder à cette rareté relative : dix pour cent des individus … Continuer la lecture de Petit accès de mélancolie
J’écris ces lignes dans un train qui roule vers Marseille. Ce faisant, me revient le souvenir de la première fois, un jour en 2002, que j’aperçus de la fenêtre d’un autre train les grues, dressées comme d’éternels échassiers, au bord des bassins du port de Marseille. Ces grues que j’avais certainement vues des dizaines de … Continuer la lecture de Édouard Peisson à la lumière du jour
J’ai toujours eu des relations difficiles avec la chair, faites d’un goût fulgurant du péché (vieil héritage) et d’une culpabilité lancinante (même héritage). Le cœur était d’un côté, le corps de l’autre ; l’un était blessé des incohérences, des foucades de l’autre ; le second aspirait sans fin à se réconcilier, à se fondre dans le premier. … Continuer la lecture de L’homme de la vallée perdue
Alors que la culture personnelle, comme pratique instinctive et cumulative, comme pain quotidien, n’a jamais autant semblé menacée de disparition, on n’entend, de toutes parts, que références à une supposée double culture que détiendraient les citoyens venus (eux ou leurs pères) d’ailleurs. Il y a là un abus de langage. La culture consiste dans la … Continuer la lecture de Double culture ou double tradition ?