Fragments de sagesse tsigane

À quoi bon venir en aide à quelqu’un qui n’est pas de sa famille ?

Pourquoi considérer comme un travail une activité qui se pratique assis (chaise) ou qui ne rapporte rien, a fortiori une occupation qui cumule les deux caractéristiques ?!

Si elle a du goût pour le prestige ou un besoin de paraître ? Non, je crois qu’il lui est seulement vital de ne pas perdre la face, de faire bonne figure.

De l’argent pour de la chair, de la chair contre de l’argent : une transsubstantiation qui représente la clé généralisée de la survie. C’est trop demander aux crétines perruches arrogantes du travail (?) social que de seulement assimiler un terme de cette équation.

« Les françaises ? Des putes ! » Ce qui, comme flèche instinctive décochée, ne manque ni de saveur ni d’exactitude approchée ! Le pire à ses yeux étant qu’elles se vendent pour rien, pour des colifichets, des brimborions, des repas au restaurant.

L’extrémité bien innocente de sa rouerie, sa roublardise, je la vois dans un mot hongrois que je n’oublierai plus : öreg (vieux), qualificatif gentil utilisé à mon sujet par quelques-unes de ses jeunes sœurs du trottoir, probablement jalouses de ne pouvoir s’agriffer à mes billets de cinquante euros, gentillesse qu’elle me répercute avec une discrète gourmandise comme pour me dissuader d’imaginer possible la moindre romance avec l’une ou l’autre de ces jeunes (?) tsiganes. Plus roué, toxique, est l’épisode de ma visite, sans elle, au Platz (le camp, le bidonville), visite dont je lui ai rendu compte dès mon retour et dont elle a dit ultérieurement aux intéressées qu’elle l’ignorait, ce qui jetait une lumière trouble sur la moralité de mes actes.

Nos savants tsiganologues présentent la fidélité comme une vertu cardinale du couple tsigane. Pour ma part, je n’ai vu, surtout chez les jeunes femmes, qu’un empilement d’unions avec de la progéniture à tous les étages, confiée tantôt à la famille, tantôt aux orphelinats. Allez faire confiance à la science quand elle s’agrippe aux anachronismes !

Hier soir, elle m’a fait une sobre mais vibrante apologie de Ceausescu, très précisément dans ces termes :  » On dira ce qu’on voudra mais de son temps il y avait du travail pour tous, ce sont ceux qui ne voulaient pas travailler qu’on jetait en prison. »

Elle me trouve bien insistant sur la question de l’argent. Comme s’il n’y avait que ça dans la vie, dit-elle. George Borrow ou Prosper Mérimée trouveraient sans nul doute du piquant à son insouciance. Quant à moi, c’est trop me demander que d’y voir une sympathique absence de souci du lendemain. Et si l’on me trouve mesquin, alors autant vaut reprocher à un hémorragique d’être trop sensible à l’écoulement de son sang !

Elle ne l’entend certainement pas ainsi mais elle me fait un merveilleux cadeau en n’exprimant pas la moindre reconnaissance à mon égard, en tout cas selon nos puants critères de pesée des mérites ou de réciprocité.

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