Ce fut d’emblée une coulée glacée d’indifférence bientôt suivie d’un déferlement de petites haines enfouies, recuites, inadéquates, piquantes comme des frelons. Et dieu sait que je n’attendais rien de ces trois jours au bord de la mer – j’en réponds – que le plaisir toujours renouvelé de sa présence. Venant de celle que j’aimais sans espoir depuis des années sans plus être payé de retour, ce seul sentiment dont j’aie eu à subir les effets abjects, infects, vraiment infectieux – pendant toute une année – était un composé à parts égales de haine et d’indifférence, quelque chose de proprement hideux. Sur le coup, j’ai cru l’association des deux impossible, que l’un et l’autre étaient incompatibles, inconciliables. Vers la fin de ma maladie, en y repensant, j’ai découvert que, dans un tout autre ordre d’idées, dans une sphère autrement horrifiante que la vie sentimentale, c’est un pareil composé, haine plus indifférence (aux conséquences notamment), qui pouvait expliquer les déportations de masse suivies d’extermination dans un silence glacé. Des juifs en Pologne, par exemple.