Un écorché (en souvenir de la nuit du 6 au 7 août 2010)

Je connais quelqu’un qu’on a pu, parfois, qualifier d’écorché vif. Or nous sommes, désormais quasi exclusivement et pour notre malheur, à l’ère du cinéma et de l’image. La vision d’une telle créature – que j’imagine (que je ne fais pas qu’imaginer) réduite au silence absolu mais encore faiblement gémissante et gigotante – m’est tout bonnement … Continuer la lecture de Un écorché (en souvenir de la nuit du 6 au 7 août 2010)

Au spectacle

ll voit le singe se gratter ; il goûte son agilité, sa drôlerie, mais ça ne le gratte pas. C’est un spectateur. Moi ça me gratte, je ne peux détacher mon regard de la peau du singe, de son être – et ne peux faire abstraction des spectateurs.

Ecrivains, psychologues et prêtres

Le plus grand service que nous rend l’écrivain authentique consiste à mettre des mots sur nos pensées ; les psychologues – ces imposteurs – prétendent expliquer ce que nous pensons, en nous le faisant dire ! Les prêtres de jadis leur étaient bien supérieurs qui ne faisaient que nous écouter – avant de nous donner l’absolution.

Histoire de fantômes

Un homme seul qui déambule le long d’une rue vide, un dimanche après-midi, fait passer un frisson glacé dans mon dos – c’est qu’il me rappelle le fantôme dont j’occupe, sans espoir d’en sortir, l’ample défroque inhabitée avec, à son sommet arrondi, ces orbites vides qui ne laissent filtrer ni ne reçoivent aucun regard.

L’homme de la vallée perdue

J’ai toujours eu des relations difficiles avec la chair, faites d’un goût fulgurant du péché (vieil héritage) et d’une culpabilité lancinante (même héritage). Le cœur était d’un côté, le corps de l’autre ; l’un était blessé des incohérences, des foucades de l’autre ; le second aspirait sans fin à se réconcilier, à se fondre dans le premier. … Continuer la lecture de L’homme de la vallée perdue

Double culture ou double tradition ?

Alors que la culture personnelle, comme pratique instinctive et cumulative, comme pain quotidien, n’a jamais autant semblé menacée de disparition, on n’entend, de toutes parts, que références à une supposée double culture que détiendraient les citoyens venus (eux ou leurs pères) d’ailleurs. Il y a là un abus de langage. La culture consiste dans la … Continuer la lecture de Double culture ou double tradition ?

L’art peut-il sauver le monde ? (Un sujet de dissertation inepte)

L’art, jusqu’ici, n’a fait qu’interpréter le monde ; pour le sauver, il faudrait le transformer mais n’est-ce pas trop tard et est-ce sa mission ? Je ne le crois pas, son rôle éminent est de rendre le monde supportable (interprétable). Ça suffit bien ; pour le reste, aux hommes de se forger une morale qui puisse se traduire … Continuer la lecture de L’art peut-il sauver le monde ? (Un sujet de dissertation inepte)

Fin de vie ?

L’homme seul vieillissant – Albert Cossery en fut un exemple magnifique, presque héroïque – est condamné à regarder passer la vie aux terrasses de café, au mieux sous les espèces des très belles femmes raréfiées.

Avec les mots, il suffit de savoir qui est le maître

Je voudrais dédier aux politiciens pleins d’eux-mêmes (presque un pléonasme), aux entrepreneurs indélicats (ils sont loin de l’être tous), et à ceux qui se prétendent des travailleurs ou leurs représentants, ce délicieux dialogue : « Lorsque j’emploie un mot, répliqua Humpty Dumpty d’un ton de voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu’il me plaît qu’il … Continuer la lecture de Avec les mots, il suffit de savoir qui est le maître

Un usage dégradant

Tant que leur cœur n’a cessé de battre, les politiciens pensent toujours pouvoir rebondir : ce verbe, dans cet emploi, est inepte et impropre, n’ayant aucun rapport avec un ballon ou un adepte du trampoline. Quelques ignorants, propagandistes efficaces à en juger par la contamination, ont même transporté ce verbe haïssable dans les domaines autrefois sacrés … Continuer la lecture de Un usage dégradant