Oreille avisée, obstinée, j’écoute mon intérêt : je gratte, carotte, travaille en perruque ou au noir, je cumule, récupère jalousement mes RTT, je garde sous le coude les dossiers délicats, éloigne les importuns (le plus souvent des pauvres), je regarde s’accumuler, non sans impatience, mes points de retraite. Tout autour du joli pré carré de mes droits inaliénables montent les miradors des habiles qui ont inventé d’être dispensés de travailler pour défendre ceux qui travaillent – sans cependant mettre en cause nos bons maîtres. Ils y vont à fleurets mouchetés mais ce n’est pas pour nous desservir. Foin des affrontements d’antan, les subtiles insinuations de propos dits inappropriés ou de ce qu’on appelle harcèlement, quand ils sont le fait de nos kapos gentils – je veux dire nos « managers » et autres « qualiticiens » – , tout ça peut nous rapporter gros et des réparations rondelettes. Je suis un fonctionnaire, comme le dit ce vocable suranné, éculé, dont seuls encore les syndicats de police usent et abusent, eux, parangon madré, représentation quintessenciée du service public à la française. Et puis, il y a encore la chère notion d’astreinte, à l’instar de ce qui a cours dans la condition ferroviaire, qui s’administre comme des vitamines pour partir plus tôt à la retraite.
Serviteur public
Comme si tout travail, tripallium, n’était pas, pire qu’une astreinte, une contrainte – comme celle de respirer.