S’est-on avisé que la communication se présente aujourd’hui, de son propre aveu et selon sa pudeur sourcilleuse, comme, tout à la fois, un bourdonnement (buzz) et un gazouillis (twitter)… Rimsky-Korsakov et Olivier Messiaen, en les magnifiant, ont rendu un tout autre hommage à nos frères bourdons et oiseaux… Et comme rien n’échappe désormais à la communication, ce qui reste dans les esprits de la pauvre culture humaniste doit lui rendre les armes et revêtir ses atours dérisoires cousus d’onomatopées.
Les signes se multiplient d’une fin possible de la culture, avec son cortège de conséquences climatiques terrifiantes quoique presque jamais évoquées. Lautréamont écrivait : « Les idées s’améliorent, le sens des mots y participe. » Imaginons, à terme, l’état de nos idées et de leur transmission si les mots continuent de se raréfier, de se couler dans les moules des barbarismes de l’air du temps et du caprice, de se vider de leur sens au profit de quelques mots passe-partout utilisables en tout temps et toute situation, c’est à dire aussi bien propres à rien. En tant qu’objet linguistique, la novlangue imaginée par George Orwell n’est pas loin… L’apparition, bien attestée et documentée dans la vie scolaire, du vocable intello comme remplaçant inattendu des termes jadis concomitants de bon élève et de lécheur nous semble emblématique.
Ceci n’est pas tout à fait un blog ( !) pour les raisons implicitement exprimées ci-dessus, ce sera plutôt un site, un lieu d’évocation de la culture et de libre expression à son sujet. On y trouvera des thèmes, des thèses, des essais (au sens propre) qui veulent, qui entendent participer à une entreprise de reconquête modeste, patiente et obstinée, de ce que furent les humanités et que nous appellerons pour l’heure, par souci de réalisme, la culture générale.
Marc Fumaroli dit, avec une lucidité triste qui tranche sur ses manières raffinées d’humaniste, qu’il ne croit plus qu’au travail de quelques autodidactes des humanités qui descendraient et remonteraient les fleuves de la culture universelle, avec leurs propres outils, pour s’abreuver aux sources et aux embouchures… C’est dire aussi, qu’il l’ait voulu ou non, que l’éducation, prodiguée par les parents ou les maîtres, a trahi sa belle mission nécessaire.
Parmi les vivants, nous nous sommes choisi une ou deux paternités directes (sachant que ces dernières n’engagent, comme on le voit depuis quelques décennies, que les enfants qui en sont issus). Sur le versant des humanités littéraires, Simon Leys ; sur celui des humanités scientifiques, Vincent Courtillot. Ils ont en commun la clarté, l’honnêteté intellectuelle, l’érudition, l’éloquence et le courage, parfois chèrement payé, de soutenir des thèses qui ne sont pas dominantes. Le premier est sinologue, critique littéraire, historien d’art, c’est un passeur de la culture universelle en français, anglais et chinois ; le second est un géophysicien, un vulgarisateur de grand talent, un administrateur de la recherche. La mention nominative d’un politicien, d’un journaliste, d’un intellectuel en vogue, d’un homme de spectacle sera systématiquement évitée sauf quand – cas rarissime – l’intéressé l’aura mérité à nos yeux.
On trouvera sur ce site des histoires, contées et filmées, que nous espérons gonflées du jus désormais presque inactuel, voire intempestif (pour parler comme Nietzsche) de la culture générale. Des écrivains, des linguistes, des philosophes, des historiens, des scientifiques de tous les temps nous prêteront – n’en pouvant mais – leur voix. Des textes au format pdf seront disponibles, correspondant aux histoires ; on y constatera la présence du fossé volontaire qui lie et sépare l’oral de l’écrit.
Toutes les écoles, les sensibilités seront les bienvenues. Cependant, on demandera peut-être aux bien-pensants qui souhaitent dialoguer avec nous de s’astreindre à moins bien penser afin – nous le pensons en tous cas – de mieux penser. La critique, les corrections, factuelles ou substantielles, seront considérées comme un hommage, direct ou indirect – pour ne rien dire des approbations ou des encouragements.
Il va sans dire que les propos tenus ou publiés n’engagent que leur auteur.
A voir :
Conférence (en anglais, Sydney, octobre 2011) de Simon Leys sur le pourquoi et le comment de la critique littéraire…
Volcanisme et évolution de la vie sur terre (12.07.2002), conférence de V. Courtillot disponible sur le site de l’Université de tous les savoirs.
Les humanités aujourd’hui (16.10.2008), une conférence de M. Fumaroli dans le cadre du cycle « Quels humanismes pour quelle humanité aujourd’hui ? » , également disponible sur le site de l’Université de tous les savoirs.