Se payer de mots

Les grandes têtes molles de notre passé intellectuel immédiat, les Barthes, Bourdieu, Deleuze, Foucault, Girard (j’en passe et, parmi leurs pâles successeurs, de plus malsonnants) ont amoncelé les concepts comme l’équilibre de la terreur entre les nations accumule armes et arsenaux… Pour eux, la puissance du concept devait consister en un assemblage de mots grecs ou latins échappés d’un lexique hors d’usage. La Palme d’or revient à Bourdieu pour son hystérésis de l’habitus (traduction pour les crétins : un plouc, quelle que soit sa réussite, conservera des traits essentiels du plouc). « Plouc toi-même, Bourdieu ! et, qui plus est, plouc de l’esprit, arriviste du savoir. »

Par une ironie goûteuse, si les mets suspects de nos célèbres penseurs sont peu à peu jugés immangeables par des lecteurs nouveaux (non corrompus par de médiocres pédagogues sans inspiration), c’est la prétendue première puissance, mal dotée il est vrai quant à la production d’idées, qui réclame à grands cris (French Theory !) les épigones et exégètes de nos figures de cire. Ainsi des vieillards poussiéreux aéroportés s’en vont-ils gagner des sommes dont ils n’avaient pas rêvé et, pour certains, s’ouvrir un accès aux corps des jeunes gens d’outre-Atlantique. L’empire déclinant d’Amérique devrait se souvenir qu’un de ses fils les plus remarquables, nommément Richard Feynman, avait par avance réglé leur compte aux expatriés temporaires verbeux quand il disait que celui qui n’est pas capable d’expliquer une question complexe, en termes simples, à un élève de première année, prouve simplement qu’il ne l’a pas comprise.

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